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ENVIRONNEMENT/ Pneus,  Pollution et Cancer

Le Cocktail Mortel dans les Abattoirs au Togo


Le plaisir de déguster des morceaux de viande savoureux cache parfois des réalités moins appétissantes. La viande, riche en protéines et autres éléments nutritifs essentiels, joue un rôle crucial dans la nutrition. Parmi les préférences locales, on trouve le "Akpama" et le "Gnifoti", des morceaux de cuir et de pattes de bovins particulièrement appréciés pour leur texture tendre. Cependant, les pratiques d'abattage et de traitement de ces viandes soulèvent de graves préoccupations, notamment l'utilisation de pneus usés pour fumer les animaux.



Une Pratique Interdite, mais persistante


"C'est au temps de l'ancien président qu’on utilisait les pneus pour le fumage des animaux. Maintenant, la direction nous a dit de l’interdire. Donc, c'est le bois que nous utilisons maintenant. Ce n'est plus les pneus.", nous a  affirmé Fomè Tété BENISSAN, président des bouchers du marché locale de Gbossimè et de l'abattoir d'Abové.


Mais, les résultats de notre enquête contredisent les déclarations de ce responsable. Ils révèlent plutôt que l'utilisation de pneus pour fumer la viande est toujours une pratique courante à l'abattoir d'Abové. La même pratique prospère dans beaucoup d'autres abattoirs du pays, surtout dans ceux qui échappent au contrôle de l'ONAF (Office National des Abattoirs et Frigorifique). 


En dépit des interdictions, l'utilisation de pneus usés pour fumer la viande demeure en effet, une pratique tenace dans les abattoirs au Togo. La quête du profit pousse les bouchers à la perpétuer. Le fumage d'un animal entier, nécessite soit, du bois d'une valeur de 500 francs CFA (environ 1 dollar us), soit un pneu usé vendu à 100 francs CFA (0,2 dollar us). Face à cette différence de prix significative et en raison du coût élevé de la vie, les bouchers optent pour la solution la moins chère.


A l'abattoir principal de la zone portuaire de Lomé, les pneus ont été abandonnés sous la pression des autorités, mais au profit d’une autre pratique nuisible, explique Docteur Hélène BALI, directrice générale de l'ONAF : "Le pneu c'est visible, donc ils n'introduisent plus les pneus. Mais, ils ont une autre formule : C'est d'utiliser les huiles de vidange qui sont toutes aussi dangereuses, si non plus dangereuses que les pneus." 


Toutes ces pratiques prohibées engendrent des risques pour la santé des consommateurs et pour l'environnement.


Des Conséquences Sanitaires et environnementales Graves


Un pneu brûlé, libère des substances qui contiennent des métaux lourds et d'autres composés toxiques, dont certains sont cancérigènes. Monsieur BEBOU, spécialiste en sécurité nutritionnelle et qualité des aliments, souligne que "les risques cancérigènes sont dus à l’inhalation des fumés, voir à l’injection de particules contenant des amines aromatiques, des nitrosamines, des hydrocarbures aromatiques, du benzène." Les conséquences peuvent inclure des cancers, des irritations des voies respiratoires, et d'autres troubles graves.


Les riverains de l'abattoir d’Abové sont les premières victimes de cette pollution. Un résident témoigne :


"Très tôt le matin à six heures, parfois avant, ils viennent fumer les boucs, les moutons ici à côté de la maison. Et la fumée noire nous envahit tous les jours. C'est cancérigène.


Un autre ajoute : "Chaque jour, la fumée nous dérange. On n'arrive même pas à respirer."


Selon l'INERIS France (Institut national de l'environnement industriel et des risques), la combustion d'un kilogramme de pneu produit 100 grammes de particules. À l'abattoir d'Abové, les bouchers utilisent quotidiennement en moyenne 25 pneus usés de 8 kg chacun. Cela correspond à environ 20 kilogrammes de particules rejetées quotidiennement dans l'air. Les habitants des environs, les bouchers et leurs clients inhalent directement ces particules contenues dans les fumées noires, chaque jour. Et cette situation perdure depuis une dizaine d'années.


En outre, les hydrocarbures, les métaux lourds et autres contaminants présents dans ces particules fines se déposent sur le sol et peuvent contaminer les eaux de surface et souterraines. 


Une Solution Alternative


Il existe une solution pour remplacer le pneu dans les abattoirs. Armand SAMAROU, consultant en environnement, recommande l'utilisation de biodigesteurs pour produire du biogaz à partir des déchets des abattoirs. "C'est une énergie propre", affirme-t-il.


Le biogaz est un mélange de méthane (CH₄) et de dioxyde de carbone (CO₂). Il peut servir de source d'énergie renouvelable pour le fumage des viandes, la cuisson, le chauffage, la production d'électricité ou même comme carburant pour les véhicules. Cela permet de réduire la dépendance aux combustibles fossiles et contribue à diminuer les émissions de gaz à effet de serre.


En traitant les déchets organiques de manière contrôlée, les biodigesteurs réduisent également le risque de contamination des eaux souterraines et des cours d'eau par les pathogènes présents dans les déchets non traités des abattoirs. Cette méthode contribue ainsi à la protection des ressources en eau et à la préservation de la biodiversité aquatique.


Bannir les pneus dans les abattoirs, une urgence


L'utilisation de pneus dans les abattoirs au Togo est une menace sérieuse pour la santé publique et l'environnement. Une action concertée et déterminée est nécessaire pour mettre fin à cette pratique, garantir la sécurité alimentaire et préserver l'environnement. En parallèle, il est crucial de renforcer les contrôles pour éradiquer les abattoirs clandestins qui échappent aux régulations.


L'avenir de la santé des consommateurs et de l'environnement dépend des mesures prises aujourd'hui pour éliminer ces pratiques dangereuses.

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